Compte-rendu de la table ronde du 27 novembre 2025
Compte-rendu de la table ronde/Petit déjeuner
Organisés par le CMV
sur le règlement (UE) 2019/ 880 « Importation des biens culturels ».
En présence de M. Alexandre Giquello, président de Drouot,
de Mme Claire Chastanier pour le ministère de la culture et de M. Florian Simonneau pour l’administration des douanes.
27 novembre 2025
Drouot
8H30-10h30
La présente note relève les points saillants présentés et discutés lors du petit déjeuner. Elle se réfère au document des douanes mis sur le site du CMV et présenté en séance.
Rappels :
*Trois catégories sont visées parmi les biens culturels qui entrent sur le territoire douanier européen :
- les biens sortis illicitement de leur pays de création ou de découverte => ces biens font l’objet d’une prohibition générale de vente.
- les biens archéologiques de plus de 250 ans (un seul critère d’ancienneté) => l’importation de ces biens est soumise à licence.
- les biens culturels de plus de 200 ans et d’une valeur minimale de 18 000 euros (les deux critères sont cumulatifs selon une logique comparable à celle de l’exportation) => l’importation de ces biens suppose une déclaration de la part de l’importateur.
*Les biens couverts par le règlement sont des biens qui ont été créés ou découverts dans les pays hors UE. Il n’y a donc pas besoin de déclaration d’importation pour une tabatière Louis XV ou une commode Boulle !
*A la différence du régime de la licence et de la déclaration, le régime de la prohibition générale s’applique aussi au transit et au transbordement.
La catégorisation des objets au sein de trois régimes :
La question que doit, en premier lieu, se poser toute personne souhaitant importer un bien est la suivante : à quel type de biens appartient-il et de quel dispositif relève-t-il ? Voir la liste des catégories de biens à la page 4 du document des douanes mis en ligne sur le site du CMV.
Si l’objet en question ne correspond à aucun des critères listés pour le régime de la licence ou de la déclaration, alors c’est le régime de la prohibition générale qui s’applique.
Attention : il existe des zones de recouvrement.
*Cas d’une porcelaine chinoise de 1750 : entre-t-elle dans la rubrique « Objets d’antiquité ayant plus de 100 ans d’âge » ligne e), auquel cas elle relève du régime de la déclaration, ou dans la rubrique « Ameublement de plus de 100 ans d’âge et instruments de musique anciens », ligne l du régime de la prohibition générale ? Le ministère de la culture s’oriente vers la seconde solution.
Le régime de la « prohibition générale » :
Le régime de la « prohibition générale » a été le premier à entrer en application (dès le 28 décembre 2020), est le régime le plus général et le plus souple. Il ne fait qu’acter le fait qu’il est interdit d’importer des biens illicitement sortis de leur pays d’origine.
A avoir en mémoire :
Le régime de la prohibition générale, bien mal nommé, ne signifie pas que tout est interdit. C’est au contraire le moins contraignant. Il nécessite que l’importateur s’assure de la provenance légale de l’objet, mais ne nécessite aucune démarche préalable à l’importation comme dans le cas de la licence ou de la déclaration.
Dans le cadre du régime de la prohibition générale, il peut y avoir des contrôles aléatoires par les douanes (en fonction de la « sensibilité » de l’objet). L’importateur doit pouvoir, en cas de contrôle, démontrer la provenance légale de l’objet.
Dérogation du pays d’intérêt :
A la suite d’âpres négociations sur le projet de règlement, un assouplissement a été prévu permettant de se référer pour apprécier la légalité de l’export du bien au dernier pays dans lequel celui- ci a séjourné et non pas au pays de création/ découverte.
Dans le cadre du régime de la licence et de la déclaration, la légalité de l’export peut ainsi être appréciée en prenant en compte, de façon exceptionnelle, la législation du pays d’hébergement de l’objet (durant au moins 5 ans) :
- dans les cas où le pays dans lequel les biens culturels ont été créés ou découverts ne peut être déterminé de manière fiable (cas d’objets provenant de vastes ères civilisationnelles) ;
- lorsque l’exportation des biens culturels en question a eu lieu avant l’entrée en vigueur de la convention de l’UNESCO de 1970, à savoir le 24 avril 1972.
Est, à cet égard, mise en exergue la difficulté de prouver que l’objet est sorti de son pays de création ou découverte avant le 24 avril 1972. Il faut, en effet, pouvoir le prouver pour bénéficier de la dérogation en faveur du pays d’accueil. La représentante du ministère de la culture assure que le dossier sera examiné en tenant compte de la difficulté et en appréciant les éléments qui auront été fournis.
Licence d’importation :
La demande de licence obligatoire pour l’importation, la mise en libre pratique[1] et le stockage (pas pour le transit). Elle n’est pas nécessaire pour les « biens dits en retour », sortis de l’UE sous une licence européenne et y revenant dans un délai de moins de 3 ans.
Pour l’instant, le ministère de la culture n’a reçu que 14 demandes de déclaration (dont plusieurs pour un même objet …).
L’opérateur doit enregistrer une description standardisée de l’objet ainsi qu’une déclaration attestant qu’il a mis en œuvre toute la diligence requise pour vérifier la licéité de l’objet et joindre les documents prouvant la provenance légale de l’objet. Si la demande n’est pas accompagnée de justificatifs, la demande est automatiquement rejetée.
Pour les objets en trois dimensions, il faut joindre sept photos différentes de l’objet. Pour ceux en deux dimensions, il faut joindre deux photos.
La reine des preuves pour prouver la légalité de la provenance est le document d’exportation de l’objet depuis le pays tiers. Mais ce type de document n’existe pas dans tous les pays et n’a pas toujours existé.
En dehors de cette autorisation d’exportation préalable, tout document pouvant permettre l’évaluation de la provenance est légale est recevable.
Le ministère propose une liste indicative et non exhaustive des documents à joindre (cf. page 13 du document des douanes mis sur le site du CMV) : les preuves photographiques (photos in situ chez un client) peuvent être utiles.
Le ministère adoptera une approche pragmatique pour apprécier l’ensemble des pièces justificatives. Il reconnaît la grande difficulté qu’il y a à réunir des éléments permettant de reconstituer l’historique de propriété de l’objet.
Déclaration d’importation :
Comme dans le régime de la licence, l’opérateur doit enregistrer une description standardisée de l’objet ainsi qu’une déclaration attestant qu’il a mis en œuvre toute la diligence requise pour vérifier la licéité de l’objet.
Si, dans le cas de la déclaration, il n’y a pas de vérification préalable, les douanes peuvent, en cas de soupçon, être amenées à vérifier que cette attestation repose sur des éléments de preuve suffisants pour démontrer la licéité de l’export depuis le pays tiers.
A noter : Une facilitation a été octroyée par la Commission européenne concernant les monnaies : celles-ci relèvent du régime de la déclaration et non pas de la licence, même si elles sont issues de fouilles archéologiques et ont plus de 250 ans.
- Admission temporaire de biens culturels :
Les maisons de vente, contrairement aux foires commerciales, ne peuvent bénéficier du régime dérogatoire prévu pour l’importation temporaire. Les maisons de vente devront donc enregistrer une licence ou une déclaration (selon le bien concerné) avant l’importation temporaire.
- Question de l’harmonisation entre Etats membres en matière de délivrance des licences d’importation et de contrôles par les douanes :
La représentante du ministère de la culture indique que celui- ci est, avec les douanes, en relations régulières avec leurs homologues et instances européennes. L’objectif poursuivi par tous est bien l’harmonisation des pratiques pour éviter, notamment, le « forum shopping ». La mise en place du système informatisé commun à l’échelle européenne, ICG - Import of cultural Goods - le prouve. Un système informatisé comparable devrait être mis en place au niveau européen pour les exportations à l’horizon 2030.
- La question des transitaires et de leur formation est posée.
Ce sujet pourra faire utilement l’objet d’un prochain petit déjeuner du CMV.
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Bon à savoir :
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En conclusion :
Les questions exprimées lors du petit déjeuner pourront alimenter la FAQ (foire aux questions) de la Commission Européenne. Celle- ci est en effet régulièrement mise à jour. Au sein des groupes de travail qui se tiennent au niveau communautaire, les autorités françaises peuvent porter et défendre une certaine interprétation des dispositions et exigences du règlement, qui sera ensuite appliquée par les autres Etats- membres.
[1] Régime douanier qui confère à une marchandise tierce le statut de marchandise communautaire après application des mesures de politique commerciale ou d'autres formalités prévues pour l'importation.