
Communiqué du CMV sur les biens archéologiques
Importation des biens culturels : entrée en application du règlement (UE) n°2019 /880 du 17 avril 2019
L'application du règlement européen 2019/880, prévue pour le 28 juin 2025, aura des conséquences significatives sur l'importation de biens culturels dans l'Union Européenne (UE). Ce règlement visant à lutter contre le trafic illicite de biens culturels en instaurant des contrôles plus stricts à l'entrée de l'UE, s’inscrit dans un principe général de recherche de provenance qui va devenir la règle absolue. Ce principe reflète les préoccupations actuelles du marché de l’art où l’Europe entend s’imposer comme un acteur clé de la protection du patrimoine extra européen et universel. Le Conseil des Maisons de Vente tient à apporter aux professionnels une vue globale sur cette réglementation européenne et les informer sur les démarches nécessaires à effectuer.
Principales dispositions du règlement
Le règlement interdit l'importation de biens culturels qui ont été exportés en violation des lois du pays d'origine.
La licéité de l’export est déterminée sur la base de la réglementation du pays où l’objet a été créé et/ou découvert, ou le pays du dernier séjour de l’objet – qui l’a accueilli durant 5 ans au moins. La Commission Européenne a constitué une base de données des législations applicables dans les pays d’origine ou d’accueil, accessible dans le système informatisé commun au niveau européen, le système ICG (Import of Cultural Goods), dans lequel le professionnel devra enregistrer sa demande de licence d’importation ou sa déclaration d’importation (cf. ci- dessous).
- Interdiction d'importation de biens culturels sortis illicitement de leur pays de création ou de découverte (Partie A de l’annexe du règlement).
Cette liste, sans seuil d’ancienneté – à deux exceptions près[1]- ni de valeur, reprend celle de l’article 1 de la Convention de l’UNESCO de 1970. Pour l’importation de ces biens ainsi listés, le code du patrimoine, en France, prévoit déjà que le professionnel doit attester d’une autorisation d’exportation lorsqu’elle est prévue dans le pays de création et/ou découverte ou fournir la preuve d’absence de telles dispositions lors de la sortie du territoire.
Ces biens sont interdits d’importation s’ils ont été sortis illicitement de leur pays de création ou de découverte.
- Licence d'importation pour les biens archéologiques de plus de 250 ans d’âge (partie B)
Les biens archéologiques, ceux de plus de 250 ans d’âge, c’est-à dire les plus sensibles au trafic, à la valeur patrimoniale et symbolique majeure, sont au cœur de ce règlement. La procédure, qui s’applique sans restriction d’un quelconque seuil de valeur, passe par l’enregistrement d’une demande de licence d’importation auprès du ministère de la culture. Le demandeur doit joindre le certificat d’exportation du bien depuis son pays de création/ découverte ou d’accueil ainsi que toute pièce justificative et preuve appropriée, notamment, des titres de propriété, des factures, des contrats de vente, des documents d’assurance, des documents de transport et des expertises (voir liste en annexe (1)). La demande de licence se fera via la plateforme électronique centralisée (système ICG), avec un délai de traitement pouvant aller jusqu'à 90 jours. A partir du dossier complet. Le droit à l’importation du bien est soumis à l’obtention de la licence.
- Déclaration de l'importateur pour les biens de plus de 200 ans et d’une valeur égale ou supérieure à 18 000 euros (partie C).
L’entrée des biens culturels de plus de 200 ans et d’une valeur minimale de 18 000 euros qui peuvent concerner dessins, peintures, sculptures, est soumise à déclaration, laquelle doit être enregistrée dans le système ICG et comporter une description détaillée du bien selon un formulaire normalisé, ainsi qu’une déclaration du professionnel engageant sa responsabilité sur la légalité de leur exportation depuis leur pays de création/ découverte ou d’accueil.
Lors du contrôle des douanes à l’importation de ces biens, le certificat d’exportation du bien concerné depuis le pays de création/ découverte ou d’accueil, ainsi que les pièces justificatives peuvent être demandés.
Le renversement de la charge de la preuve
La charge de la preuve incombe à l’importateur, soit au professionnel, c’est à lui de prouver que l’exportation du bien depuis le pays tiers est licite. On peut parler à cet égard de renversement de la charge de la preuve.
Cette exigence de recherche de provenance, initialement formalisée pour les biens archéologiques de plus de 250 ans, devient néanmoins un principe général de validation concernant tous les biens. En effet, si l’obligation d’enregistrer l’autorisation d’exportation depuis le pays tiers et les pièces justificatives dans le système ICG pour obtenir la licence d’importation ne concerne que les biens archéologiques de plus de 250 ans, ces documents peuvent être demandés par les douanes au cours d’un contrôle pour pratiquement tout bien culturel, c’est-à dire aussi pour tous ceux listés dans les parties A et C du règlement, lesquelles couvrent l’essentiel des biens (voir liste précise en fin de document).
***
« On ne peut que partager la préoccupation nouvelle de provenance, inscrite ainsi au cœur du droit européen. Néanmoins les conséquences sont lourdes pour les professionnels, et risquent de désavantager la place de Paris par rapport à Londres ou la Suisse. Avec la mise en œuvre du règlement de 2019 sur l’importation des biens culturels sur le territoire de l’UE, la procédure passe ainsi du contrôle en douanes d’un certificat émis par le pays d’origine à celui de l’attribution d’une licence par le pays d’accueil (l’autorité compétente étant le ministère de la culture). Je suis conscient de la lourdeur de ces nouvelles démarches, mais je ne peux qu’encourager les professionnels à appliquer rigoureusement les dispositions du règlement, dont la violation est durement sanctionnée ».
Edouard de Lamaze, Président du CMV
Edouard de Lamaze, Président du CMV (DR)
Conséquences pour le marché de l'art et les collectionneurs
Des charges nouvelles pour les professionnels …
- Décalage entre le temps des ventes volontaires aux enchères et les délais administratifs Le ministère de la culture a 90 jours pour statuer sur une demande de licence d’importation à partir du dossier complet. Mais la procédure peut prendre jusqu’à 151 jours … Un frein à la fluidité du marché.
- Complexité administrative accrue
La nécessité de fournir des preuves de la légalité de l'exportation depuis le pays tiers, parfois pour des objets très anciens, représente un défi pour les importateurs.
L’attitude et la bonne coopération des autorités des pays tiers sera déterminante pour l’obtention des certificats d’exportation du bien ou de tout autre document équivalent.
Qui auront un impact sur le marché de l’art
- Réduction de l’apport de biens extra européens
Les professionnels du marché de l'art craignent une baisse des importations en raison des nouvelles exigences documentaires.
- Déplacement du marché vers des pays tiers
Des places de marché comme le Royaume-Uni, la Suisse, les États-Unis ou la Chine, qui ne sont pas soumises à ces réglementations, pourraient attirer davantage de transactions, au détriment des marchés européens.
Mais une sécurité juridique accrue
- Qui valorise le bien
L’offre aura l’assurance d’être légale et de qualité, ce qui est en soi un élément qui valorisera le bien et rassurera les acquéreurs.
- Qui gagnerait encore à l’harmonisation de la notion de biens archéologiques au niveau européen
L’exigence de sécurité juridique requiert d’harmoniser la notion de biens archéologiques au niveau européen. Celle-ci n’est pas définie au niveau européen et est à géométrie variable selon les pays membres. Il importe de favoriser une interprétation homogène de cette catégorie de biens au sein des différents Etats membres afin que les professionnels soient soumis aux mêmes règles au sein de l’UE.
« Palmyre Déserts Perle »
Le rôle du CMV
Le CMV se tiendra à la disposition des maisons de vente pour les accompagner au mieux dans l’application de ces nouvelles dispositions. Il diffusera les informations nécessaires sur les procédures et démarches à effectuer pour les professionnels.
Il fera remonter les difficultés particulières que pourront rencontrer les maisons de vente dans l’application du présent règlement aux autorités nationales en charge du contrôle (douanes, ministère de la culture), mais aussi à la Commission européenne qui prévoit un rapport sur celui-ci tous les 5 ans avec un focus particulier sur les plus petites entreprises.
Pour aller plus loin : le CMV a publié sur son site une étude intitulée : « Comment le droit européen a intégré le souci de la protection des biens archéologiques extra européens » : cliquer ici
Vous trouverez ci- joint une note exposant la nouvelle procédure de l’importation des biens culturels découlant du règlement (UE) n°2019 /880 du 17 avril 2019 concernant l’introduction et l’importation de biens culturels sur le territoire européen.
Morning Concorde – 4 rue Royale – 75008 PARIS
Annexes
Partie A
a) Collections et spécimens rares de zoologie, de botanique, de minéralogie, d’anatomie et objets présentant un intérêt paléontologique
b) Biens concernant l’histoire y compris l’histoire des sciences et des techniques, l’histoire militaire et sociale ainsi que la vie des dirigeants, penseurs, savants et artistes nationaux et les évènements d’importance nationale
c) Produits de fouilles archéologiques (régulières et clandestines) ou de découvertes archéologiques terrestres ou sous-marines
d) Éléments provenant du démembrement de monuments artistiques ou historiques ou de sites archéologiques (y compris les icônes et les statues liturgiques)
e) Objets d’antiquité ayant plus de 100 ans d’âge, tels qu’inscriptions, monnaies et sceaux gravés
f) Matériel ethnologique
g) Biens d’intérêt artistique tels que : *tableaux et peintures et dessins faits entièrement à la main, sur tout support et en toutes matières (à l’exclusion des dessins industriels et des articles manufacturés décorés à la main) *productions originales de l’art statutaire et de la sculpture en toutes matières,
*gravures estampes et lithographies originales *assemblages, montages artistiques originaux en toutes matières
h) Manuscrits rares et incunables
i) Livres, documents, publications anciennes d’intérêt spécial (historique, artistique, scientifique, littéraire, etc.) isolés ou en collections
j) Timbres-poste, timbres fiscaux et analogues, isolés ou en collections
k) Archives, y compris les archives phonographiques, photographiques et cinématographiques
l) Objets d’ameublement ayant plus de 100 ans d’âge et instruments de musique anciens
Partie C = biens soumis à déclaration parmi les biens de plus de 200 ans et d’une valeur égale ou supérieure à 18 000 euros. La liste C est comparable à la liste A sans les deux derniers items :
a) Collections et spécimens rares de zoologie, de botanique, de minéralogie, d’anatomie et objets présentant un intérêt paléontologique
b) Biens concernant l’histoire y compris l’histoire des sciences et des techniques, l’histoire militaire et sociale ainsi que la vie des dirigeants, penseurs, savants et artistes nationaux et les évènements d’importance nationale
c) Produits de fouilles archéologiques (régulières et clandestines) ou de découvertes archéologiques terrestres ou sous-marines
d) Éléments provenant du démembrement de monuments artistiques ou historiques ou de sites archéologiques (y compris les icônes et les statues liturgiques)
e) Objets d’antiquité ayant plus de 100 ans d’âge, tels qu’inscriptions, monnaies et sceaux gravés
f) Matériel ethnologique
g) Biens d’intérêt artistique tels que : *tableaux et peintures et dessins faits entièrement à la main, sur tout support et en toutes matières (à l’exclusion des dessins industriels et des articles manufacturés décorés à la main) *productions originales de l’art statutaire et de la sculpture en toutes matières,
*gravures estampes et lithographies originales assemblages
*montages artistiques originaux en toutes matières
h) Manuscrits rares et incunables
i) Livres, documents, publications anciennes d’intérêt spécial (historique, artistique, scientifique, littéraire, etc.) isolés ou en collections
j) Timbres-poste, timbres fiscaux et analogues, isolés ou en collections
Partie B : Biens de plus de 250 ans d’âge.
c) Produits de fouilles archéologiques (régulières et clandestines) ou de découvertes archéologiques terrestres ou sous-marines
d) Éléments provenant du démembrement de monuments artistiques ou historiques ou de sites archéologiques (y compris les icônes et les statues liturgiques)
Partie C : biens de plus de 200 ans et d’une valeur égale ou supérieure à 18 000 euros[2].
a) Collections et spécimens rares de zoologie, de botanique, de minéralogie, d’anatomie et objets présentant un intérêt paléontologique
b) Biens concernant l’histoire y compris l’histoire des sciences et des techniques, l’histoire militaire et sociale ainsi que la vie des dirigeants, penseurs, savants et artistes nationaux et les évènements d’importance nationale
c) Produits de fouilles archéologiques (régulières et clandestines) ou de découvertes archéologiques terrestres ou sous-marines
d) Éléments provenant du démembrement de monuments artistiques ou historiques ou de sites archéologiques (y compris les icônes et les statues liturgiques)
e) Objets d’antiquité ayant plus de 100 ans d’âge, tels qu’inscriptions, monnaies et sceaux gravés
f) Matériel ethnologique
g) Biens d’intérêt artistique tels que : *tableaux et peintures et dessins faits entièrement à la main, sur tout support et en toutes matières (à l’exclusion des dessins industriels et des articles manufacturés décorés à la main) *productions originales de l’art statutaire et de la sculpture en toutes matières,
*gravures estampes et lithographies originales *assemblages, montages artistiques originaux en toutes matières
h) Manuscrits rares et incunables
i) Livres, documents, publications anciennes d’intérêt spécial (historique, artistique, scientifique, littéraire, etc.) isolés ou en collections
j) Timbres-poste, timbres fiscaux et analogues, isolés ou en collections
k) Archives, y compris les archives phonographiques, photographiques et cinématographiques
l) Objets d’ameublement ayant plus de 100 ans d’âge et instruments de musique anciens
Partie C = biens soumis à déclaration parmi les biens de plus de 200 ans et d’une valeur égale ou supérieure à 18 000 euros. La liste C est comparable à la liste A sans les deux derniers items :
a) Collections et spécimens rares de zoologie, de botanique, de minéralogie, d’anatomie et objets présentant un intérêt paléontologique
b) Biens concernant l’histoire y compris l’histoire des sciences et des techniques, l’histoire militaire et sociale ainsi que la vie des dirigeants, penseurs, savants et artistes nationaux et les évènements d’importance nationale
c) Produits de fouilles archéologiques (régulières et clandestines) ou de découvertes archéologiques terrestres ou sous-marines
d) Éléments provenant du démembrement de monuments artistiques ou historiques ou de sites archéologiques (y compris les icônes et les statues liturgiques)
e) Objets d’antiquité ayant plus de 100 ans d’âge, tels qu’inscriptions, monnaies et sceaux gravés
f) Matériel ethnologique
g) Biens d’intérêt artistique tels que : *tableaux et peintures et dessins faits entièrement à la main, sur tout support et en toutes matières (à l’exclusion des dessins industriels et des articles manufacturés décorés à la main) *productions originales de l’art statutaire et de la sculpture en toutes matières,
*gravures estampes et lithographies originales assemblages
*montages artistiques originaux en toutes matières
h) Manuscrits rares et incunables
(1) Le règlement propose une liste non exhaustive de documents que le demandeur pourra joindre à la demande d’importation, en sus du certificat d’exportation depuis le pays tiers :
- documents douaniers attestant l’historique des mouvements du bien culturel;
- les factures de vente;
- les documents d’assurance;
- les documents de transport;
- les constats d'état;
- les titres de propriété, y compris les testaments notariés ou les testaments manuscrits déclarés valides en vertu de la législation du pays dans lequel ils ont été établis;
- les déclarations sous serment de l’exportateur, du vendeur ou d’un autre tiers, qui ont été établies dans un pays tiers et conformément à la législation de celui-ci, qui certifient la date à laquelle le bien culturel a quitté le pays tiers dans lequel il a été créé ou découvert ou d’autres événements justifiant sa provenance licite;
- les expertises;
- les publications des musées, les catalogues d’exposition; les articles dans des revues spécialisées;
- les catalogues de vente aux enchères, les publicités et d’autres supports promotionnels de vente;
- les preuves photographiques ou cinématographiques, qui étayent la licéité de l’exportation du bien culturel depuis le pays d’intérêt ou permettent de déterminer le moment auquel il se trouvait dans ce pays ou celui auquel il a quitté son territoire.
[1] Les inscriptions, monnaies et sceaux gravés ayant plus de 100 ans d’âge et les objets d’ameublement ayant, également, plus de 100 ans d’âge.
[2] La liste C est comparable à la liste A sans les deux derniers items i) et j).